Rendre le monde meilleur, selon les startups

Dans l’état d’esprit startup, on veut changer le monde.

On veut créer un produit, une application, que les gens à travers le monde vont utiliser.

Google, Facebook…, sont utilisés par des milliards de personnes dans le monde.

Et ils essayent d’avoir toujours plus d’utilisateurs.

Ils essayent de rentrer dans le marché asiatique, le marché russe, le marché africain.

À tel point qu’ils essayent d’amener internet (ou leur version d’internet) dans les zones qui n’y ont pas accès (voir le projet Loon de Google ou internet.org de Facebook)

Google est comme dirait Peter Thiel « Un formidable monopole » (en tous cas en occident)

Peter Thiel à une conférence qui dit "Un formidable exemple de monopole, c'est Google"
Silicon Valley : Empire du futur, un documentaire à voir

Et beaucoup de startupper en herbe veulent créer ce genre de boite.

Uber, Apple, Microsoft, Amazon, Starbucks : ça les fait rêver.

C’est gros, ça touche plein de monde, donc je rends le monde meilleur.

Faire une petite boite de quartier, c’est gâcher son potentiel.

Pourquoi faire le petit café du coin alors qu’on peut faire Starbucks ?

Faire le petit café du coin, c’est manquer d’ambition.

Et puis surtout, tu touches moins de monde en faisant le café du coin qu’en faisant Starbucks.

Combien de personnes le café du coin sert par jour ?

20, 50, 100 max ?

Combien de personnes Starbucks sert par jour ?

Des dizaines de milliers, des centaines de milliers ?

Bref, ya pas photo, c’est beaucoup plus.

C’est beaucoup plus, mais est-ce que c’est beaucoup mieux ?

Parce qu’il y a un gros sous-texte derrière cette manière de penser :

J’ai une vision de comment doit être le café, et je pense que c’est la meilleure manière de faire le café. Donc je veux que tous le monde boivent ce café, mon café.

Tu as le droit d’avoir une vision précise de ce que doit être un café, et tu peux penser que c’est la meilleure manière de faire du café pour toi.

Mais vouloir que tous le monde sans exception boivent ton café. Penser que cette manière de faire du café est celle qui convient à TOUS LE MONDE sans exception. C’est à mon sens égoïste.

Tu penses qu’il n’y a que ta manière de faire du café est LA meilleure et tu négliges toutes les autres.

Construire une boite comme Google ou Starbucks, c’est vouloir imposer sa vision à tous le monde, sans prendre en compte celle des autres, sans même penser que la vision des autres peut aussi être valide et peut cohabiter avec la tienne.

Dans l’idée des dirigeants de Starbucks, Starbucks fait le meilleur café du monde, propose la meilleure expérience possible et personne d’autres ne peut proposer mieux qu’eux.

Dans l’idée des dirigeants de Google, Google fait le meilleur moteur de recherche du monde, propose la meilleure expérience possible et personne d’autres ne peut proposer mieux qu’eux.

« Si il y a mieux, les gens iront ailleurs »

Il y a aussi cette idée, que plus tu es gros, plus tu as d’argent, plus tu as des ressources, plus tu peux proposer « une expérience incroyable ».

En fait quand je dis « personne d’autres ne peux proposer mieux », ces entreprises vont tout faire pour ça soit le cas.

Ils ne vont jamais encourager d’autres personnes à ce lancer pour faire un moteur de recherche, un réseau social, une application de VTC…

Ils vont tous faire pour garder un avantage déloyal et empêcher toute nouvelle concurrence.

Quand ils partagent le code source de leurs produits, c’est uniquement pour l’armée de développeur bénévole qui est trop intéressante pour passer à côté, les avantages de performance de l’open source, pas pour la transparence ou pour faire émerger des produits similaires qui pourraient proposer une vision différente.

Google ne met pas son index dans le domaine public (alors que ça permettrait à plein d’autres moteurs de recherche de partir sur de bonnes bases)

Il est aussi commun pour ces entreprises de racheter les concurrents (soit pour tuer directement la startup ou pour intégrer le produit et/ou l’équipe chez eux)

Par exemple, en France Doctolib a racheté MonDocteur en 2018.

Bref, leur but est devenir un monopole.

Photo d'une version du jeux monopoly "Yahoo!opoly"
Désolé Yahoo!, retour à la case départ
« Monopoly » de JeepersMedia sous licence CC BY 2.0

Une géante entreprise que tous le monde utilise (par choix ou pas) et qui n’a pas de concurrence.

Mais bon la Silicon Valley va te rassurer, va te dire qu’il ya des garde-fou.

« Si Google devient trop prédateur, trop nul… une autre entreprise naîtra pour corriger ses défauts et les gens iront chez elle »

Cette pensée issue du marché libre qui dit que le marché s’auto-régule tous seul.

Et après tout, ça peut paraître cohérent.

Si les gens ne sont plus contents des services d’une entreprise, alors certaines de ces personnes vont créer une entreprise concurrente et les gens iront chez elle.

C’est simple à comprendre, et ça coule de source.

Sauf que les choses sont plus compliquées que ça.

On parle-là d’entreprises qui ont des milliards en banque, des milliers d’employés, des années et des années d’avance et de tout un tas d’avantages qui découle d’être un quasi-monopole.

Par exemple, si on prend Facebook.

Facebook entant que tel c’est facile à faire.

Le site n’est pas compliqué à coder, les applications non-plus.

S’il n’y a pas de vrai concurrent à Facebook, ce n’est pas parce que personne n’est arrivé à faire des applications aussi bien que Facebook.

Il y a des tas d’applications de communications plus intuitive, plus jolie, plus rapide que Facebook.

S’il n’y a pas de concurrent de Facebook, c’est parce que les utilisateurs de Facebook sont enfermés dans Facebook. (entre autres)

Aujourd’hui, si tu lances une meilleure application de communication que Facebook, les gens devront abandonner toutes les données qu’ils ont sur Facebook pour venir sur ton application.

Tu ne peux pas non-plus communiquer avec un ami qui est sur une application de communication autre qu’une qui appartient à Facebook. (contrairement au téléphone par exemple, avec lequel tu peux appeler un ami qui est chez Orange alors que toi tu es chez Free)

C’est ce qu’on appelle un silo ou un écosystème fermé.

Tu es dans une sorte de tube hermétique qui ne communique avec aucun autre tube (sauf les tubes qui appartient au groupe Facebook, comme Instagram ou What’s App)

Photo de grands silos de métal aligné les uns à côté des autres

Facebook n’est pas un protocole.

Facebook ne permet pas aux gens d’être libre. Il les essaye de les retenir au maximum. Et quelle est la meilleure manière de retenir quelqu’un ?

L’enfermer.

En clair, ce marché libre est complètement faussé.

Quand tu dis que tous le monde a les mêmes chances de toi alors que tu as 200 mètre d’avance et que tous tes concurrents sont ralentis par quelqu’un qui leurs tires la manche, c’est ne pas être très observateur de la situation.

Et même si on ne va pas chercher les multinationale qui ne sont plus des startup, mais qui sont issue de ce fonctionnement, le modèle startup est égoïste.

Un des buts des levées de fonds c’est de mettre les autres en dehors de la course.

D’avoir le plus d’argent, le plus longtemps possible, de manière à ce que les autres tombent en faillite avant toi.

C’est celui qui aura le plus d’argent, pendant le plus de temps possible qui aura le droit d’imposer sa vision et créer son monopole.

Tu peux éliminer toutes les PME/TPE ou même filiale de groupe qui ont besoin d’un business modèle pour fonctionner.

Une librairie ne peut pas vendre de bouquin en faisant quelque centime de bénéfice. Elle meurt.

Toi, tu peux. Grâce à l’argent de tes investisseurs.

Il reste ensuite les startups qui sont en concurrence avec toi.

Elles ont aussi leurs investisseurs derrières elles.

Elles peuvent comme toi se permettre de ne faire quasi aucun argent.

Mais si toi tu arrives à avoir les investisseurs qui vont te donner le plus d’argent et/ou pendant plus longtemps qu’elles, alors tu finiras par les éliminer aussi.

Bref, le modèle des startups, c’est la loi du plus fort.

Ça n’a rien d’égal.

C’est égoïste.

C’est penser que sa vision est la meilleure et qu’elle doit préposer sur toutes les autres.

C’est penser que ce n’est pas possible de rendre le monde meilleur par une diversité de visions et de manière de faire.

C’est penser qu’il n’y a qu’une bonne manière de faire, la tienne.

Donc, si on résume :

La philosophie de la Silicon Valley, c’est de une boite, la faire grossir, d’écraser tous les autres pour imposer ta vision

Enfin j’aimerais terminer en disant que les GAFAM sont loin d’être faillibles, comme en atteste cet article. Et donc qu’il reste de l’espoir 🙂

Disclaimer : Comme pour tous mes articles, je suis un humain doté du pouvoir de ne pas avoir la vérité absolue, je n’ai pas vécu le nombre incommensurable d’expériences humaine différente, je suis donc ouvert aux idées/point de vue que j’aurais loupé 😉

Si j’ai manqué à être assez clair sur certains points, qu’il reste des zones d’ombres, je répondrais avec plaisir à ta/tes question(s)

Je ne poste rien sur Twitter, Facebook...

La seule manière d'êtres au courant des nouveaux articles est :

  • De t'abonner par mail :

Voir les derniers mails envoyés

(1x par semaine max, je ne spam pas, je ne sais pas si tu ouvres les mails, pas de tracking)

Pssst : tu peux aussi t'abonner au flux RSS : https://serveur410.com/feed/

Me soutenir :

5 réflexions au sujet de “Rendre le monde meilleur, selon les startups”

  1. Eh ouais pour avoir bosser dans la musique numérique je peux te dire que Spotify ou Deezer sont des horreurs. Ils ont détruit l’écosystème des labels juste parce qu’ils arrivaient à faire des levées de fonds de plusieurs centaines de millions à chaque fois. Ils ne sont pas rnetables mais ils s’en foutent royalement. Ça mets des milliers de gens au chomdu et ça détruit des pans entiers de l’économie. Tant que des consommateurs prendront leur abonnement ils auront ce pouvoir…

    Répondre
    • > Ils ont détruit l’écosystème des labels […]

      Est-ce vraiment une mauvaise chose ?! J’ai plutôt l’impression que les labels se sont autodétruits en abusant de leur position dominante pendant de longues années. Et de toute façon l’histoire est faite de changements qui conduisent à la disparition de certains métiers : est-ce qu’il aurait fallu refuser le frigo car il mettait tous les marchands de glace (pas les glaces à manger) au chômage ?

      Répondre
  2. J’ai expérimenté le monde de la startup et dans laquelle on dépense plus de temps et d’énergie à tenter d’écraser la concurrence qu’à travailler sur le logiciel (et le pire c’est que ça paye…).

    Pour moi, le problème de ce modèle qui fait que c’est totalement utopiste est qu’il ignore complètement le facteur humain dans le marché. Il y a une nuance entre faire un excellent produit, et faire de l’argent.

    Je pense qu’à un moment il devient toujours plus rentable d’investir dans le marketing et/ou dans l’écrasement de la concurrence que de continuer de pousser un concept vers l’excellence. Le système libéral nous pousse à rester dans un monde médiocre et à gaspiller notre énergie à tricher et mentir, car la faim justifie les moyens.

    J’ai bien l’impression qu’il est plus simple d’exploiter les biais cognitifs humains via le marketing pour pousser à acheter ton produit que d’être meilleur sur le plan technique. Le modèle libéral ça pourrait marcher si nous étions tous des machines capables de choisir sans faute la meilleure option sur le plan technique, mais la réalité c’est que nous sommes manipulables et que − pour la plupart − nous achetons ce que nous voyons.

    C’est le monde de la séduction, de la manipulation, et des apparences − sur le marché comme en politique d’ailleurs.

    Merci pour ton article.

    Répondre

Répondre à antanof Annuler la réponse