Ploum, transforme des billets en roman

Des billets de blog, pas d’argent Ahahahhahhahahavfzgexswz

Je suis tombé par hasard sur la campagne d’un livre un peu particulier : Printeurs.

Un roman qui parle de publicité, d’imprimante 3D, de surveillance…

Les sujets qui sont traités sont déjà assez à eux seul pour rendre le livre intéressant, mais ce qui m’a intrigué c’est tout ce qui l’entoure.

L’histoire a été écrite article après article sur un blog et la publication du livre a été financé participativement… alors forcément j’avais envie de poser quelque questions… à Ploum, qui est l’auteur.

Pour te mettre dans l’ambiance, je te mets le résumé du livre :

Jeune ingénieur spécialisé dans l’impression 3D, Nellio est recruté par la mystérieuse Eva pour participer à un projet secret et révolutionnaire. Dans son usine, l’ouvrier 689 parvient, à force d’hypocrisie et de violence abjecte, à monter en grade. Georges Farreck, le célèbre acteur, cherche à mettre sa fortune au service des plus démunis. Mais est-il encore possible de remettre en question un monde où le moindre mouvement, la moindre pensée est épiée par les publicitaires et où même les attentats sont sponsorisés ?

Qui es-tu ? Qu’est-ce que tu fais dans la vie de tous les jours ?

Un père de famille et un mari de 39 ans qui enseigne à l’École Polytechnique de Louvain, qui fait de la recherche dans les systèmes décentralisés, de la consultance et des conférences sur la blockchain. Je suis également cycliste et écrivain.

Le tout, un peu débordé bien entendu.

Tu parles beaucoup de la publicité et de l’impact qu’elle a. Tu penses que la publicité est mauvaise quelle que soit sa forme ? (ciblée, non ciblée, agressive ou pas ?…)

L’essence de la publicité est de nous faire consommer plus. Or la racine de tous nos maux (de la pauvreté au réchauffement climatique) vient du fait que l’on consomme trop.

On peut définir la publicité de bien des façons dont je vais être plus précis : ce qui nous pousse à consommer est néfaste.

L’immense majorité de la publicité a également la particularité de polluer notre espace mental, de ne plus nous laisser le loisir de réfléchir. C’est doublement dramatique.

Non seulement on est poussé à faire le pire mais, de plus, on nous empêche de réfléchir à ce que l’on fait.

Les deux sont bien entendus liés.

Personnellement, souffrant d’hypersensibilité sensorielle, la publicité est une véritable agression qui entraîne de la souffrance.

Printeurs c’est une histoire que tu écries depuis 2013, billet de blog après billet de blog, t’as une idée du nombre de personnes qui suivaient ton histoire ?

Non et comme il y’a eu plusieurs grandes « pauses », beaucoup de lecteurs m’ont avoué avoir perdu le fil à ce moment là. Au bout de 6 mois, on a un peu oublié l’histoire.

Malgré cela, je ne compte plus les mails me demandant pour avoir la suite (on est dans les dizaines). J’ai un moment publié le début de Printeurs sur Wattpad et, là aussi, le retour était unanime : « On veut la suite ! ».

Cela m’a démontré que si Printeurs ne me rapportera probablement jamais un Nobel de littérature, il avait le mérite d’être palpitant dès les premières lignes. Une qualité que j’apprécie dans un roman. J’ai également eu la certitude que Printeurs « parlait » à une audience et la faisait réagir. Le tournant plus sombre pris aux alentours du chapitre 6 m’a valu une avalanche de réactions. La preuve que j’étais lu !

Tu penses que tu aurais pu l’écrire autrement ? Par exemple, de manière traditionnelle sans l’écrire petit à petit sur ton blog, ça t’a apporté quoi de l’écrire de cette manière-là ?

Printeurs est entièrement le fruit de mon blog. Je l’ai commencé sans idée précise, sans savoir où j’allais. Une impulsion subite. Je n’ai jamais « pris d’avance », chaque chapitre était publié dès son écriture (ce qui explique les nombreuses erreurs de chronologie et les fautes dans la version sur mon blog).

Le fait d’avoir des lecteurs qui me demandaient la suite m’a poussé à réfléchir, pour chaque épisode, à la question : « Comment vais-je faire vibrer le lecteur, lui en donner pour son temps tout en lui donnant envie de revenir ? ». Il s’en suit que chacun des 53 chapitres apporte au moins une idée nouvelle, un développement.

Ce qui m’a beaucoup amusé c’est de trouver après coup des explications et des retournements de situations. Le rôle d’Eva, qui est central dans le roman, était complètement imprévu lorsque j’ai commencé à écrire. Cela rend l’intrigue réellement imprévisible : même moi je ne connaissais pas la suite à ce moment-là !

Au moment où j’ai commencé Printeurs, je travaillais à l’échafaudage d’un roman plus complexe intitulé « L’écume du temps ». Ce roman, je l’ai écrit en novembre 2013. Mais je n’ai jamais réussi à le terminer. Le dernier chapitre, qui fait intervenir des données historiques, est techniquement beaucoup plus difficile. Je l’ai procrastiné et, à la place, je me suis mis à Printeurs. Ma femme m’a encouragé à finir Printeurs juste avant la naissance de notre fils. Le fait que Printeurs soit public m’a forcé à le terminer. L’Écume du Temps, que je trouve bien meilleur que Printeurs, n’est toujours pas terminé…

Cela en dit long sur l’impact des lecteurs de mon blog !

Comment tu as attiré des gens à lire Printeurs ? Si je me mets à la place d’une personne qui veut écrire une histoire comme ça, et que personne ne me suit actuellement, ça doit pas être simple d’avoir des gens qui me lise…

Je n’ai attiré personne. Je l’ai juste posté sur mon blog, je ne me suis pas posé de questions. Beaucoup de lecteurs m’ont dit ne pas avoir continué à lire Printeurs car lire sur un blog n’était pas agréable. Ils étaient également frustrés de ne pas avoir la fin ou de ne pas se souvenir exactement de l’histoire quand un nouvel épisode paraissait.

Ce n’est pas grave, j’ai continué à écrire. Je n’ai pas de statistiques sur mon blog. C’est un peu le secret : les seuls retours que j’ai sont ceux des lecteurs qui prennent le temps de m’envoyer un mail. Ce sont des retours très qualitatifs. Je n’écris pas pour des likes ni pour des « vues ». Par contre, les échanges intellectuels suscités par mes écrits me nourrissent. C’est très enrichissant. J’ai de la chance d’avoir des lecteurs comme les miens.

« les seuls retours que j’ai sont ceux des lecteurs qui prennent le temps de m’envoyer un mail »

Les gens qui suivaient le déroulement de l’histoire sur le blog avait la possibilité de faire des dons, tu as reçu beaucoup de soutiens comme ça ou ça reste encore très compliqué de se faire financer avec dons ?

Je reçois plus souvent des dons pour des billets particuliers. Pour Printeurs, j’en ai reçu quelques-uns. En 2013-2014, à l’apogée de Flattr, je gagnais assez pour financer une journée de travail par semaine.

Mais c’est retombé, aujourd’hui les dons sont très aléatoires. Ils me font très plaisir et me permettent essentiellement de financer mes achats de livres, de bandes dessinées et les dons que je fais à d’autres créateurs.

Est-ce que tu avais une appréhension avant de lancer ta campagne participative ? Comme les personnes qui suivaient ce projet avait déjà lu ou était en train de lire l’histoire sur ton blog, elles auraient pu ne pas avoir envie de contribuer financièrement, non ?

Je savais que les lecteurs étaient demandeurs d’une version « complète », facile à lire. Mais j’avais une appréhension car Printeurs était fini depuis longtemps. J’avais peur que mes lecteurs soient passés à autre chose, que ce soit perçu comme une manière de ressortir un vieux truc.

De plus, j’ai l’expérience d’une campagne de crowdfunding pour un livre pour enfant que j’ai écrit, « Les aventures d’Aristide, le lapin cosmonaute ». Ce fut une expérience éprouvante.

J’avais peur que Printeurs fasse moins bien qu’Aristide car les amis et la famille « avaient déjà donné ». Un livre pour enfant, c’est un achat facile pour n’importe quelle population, pour soutenir l’artiste. Un livre de science-fiction glauque et violent, ça demande de toucher un public très précis.

476 préventes sur un objectif de 150, c’est bien non ?

On sent que tu appuies vraiment sur le côté partage de ton roman, par exemple, on peut commander deux romans et le second est donné à une personne qui ne peux pas se l’offrir ou à une bibliothèque publique, c’est ce que tu appelles « le roman suspendu ». Est-ce que tu as envisagé de carrément de poster toi-même la version ebook de ton livre sur des sites de piratage (torrent, ddl) ?

Je serais très fier que quelqu’un d’autre estime utile de le faire sans que j’intervienne. C’est un peu comme une page Wikipédia : je serais très fier d’avoir un jour une page à mon nom mais je ne souhaite pas la créer parce que j’estime qu’elle doit être créée pour répondre à un besoin.

De plus, certaines personnes ont une grande expérience pour uploader des contenus de qualité. Ces personnes font un travail extraordinaire de diffusion de la culture (même si c’est illégal) et je préfèrerais bénéficier de leur expérience plutôt que de bâcler le travail moi-même.

Après, si je vois qu’une version de mauvaise qualité circule sur les sites de téléchargement, je tenterai peut-être de corriger le tir. Probablement en faisant appel à mes lecteurs.

Ces dernières années on entend beaucoup parlé d’auto-édition et le la liberté que ça procure. Toi tu parles aussi de liberté et de l’esprit maker dans Printeurs, pourquoi tu as choisi de publier le roman chez un éditeur et pas de l’auto-édité ?

Le livre Aristide a été auto-édité et j’ai découvert la réelle utilité d’un éditeur. J’ai déjà travaillé par le passé avec les éditions Eyrolles et j’avais apprécié la collaboration.

Dans le cas de Printeurs, c’est Ludom, l’éditeur, qui m’a contacté. Il m’a demandé si je faisais de la fiction. Je lui ai envoyé Printeurs, il n’a pas hésité et m’a tendu un contrat.

Le processus éditorial a été très enrichissant : Ludom a pointé énormément d’erreur de temporalité, de faits non-logiques. Nous avons beaucoup travaillé et il m’a permis de transformer Printeurs en un véritable roman « fini ». Au point de vue artistique, l’apport de l’éditeur a donc été important. Pas une seule fois je n’ai eu le sentiment de perdre en liberté. Au contraire, il me pointait des problématiques et cela m’inspirait. Il m’a par exemple pointé le fait que Printeurs était fort masculin (une tare classique) et qu’à un moment, l’action se déroulait trop vite, que je devrais commencer un chapitre par « une semaine plus tard ».

Cela m’a donné l’idée de changer le genre d’un des personnages clé. Et, au lieu de mettre « une semaine plus tard », je me suis demandé ce que ferait le personnage pendant une semaine. Je l’ai écrit et cela a complètement modifié ma perception du personnage. D’un simple second-rôle, un personnage s’est transformé en une femme avec une identité, une histoire et un caractère beaucoup plus clair.

Ajoutons à cela que l’éditeur prend en charge tout ce qui m’ennuie profondément : la campagne Ulule, la vente, l’impression, la promotion.

Nous rêvons tous les trois (l’éditeur, l’illustrateur et moi-même) de faire une bande dessinée Printeurs. Et bien l’éditeur me représente et négocie auprès d’autres éditeurs. Cela me permet de me concentrer sur l’écriture, j’adore ce partage des tâches ! C’est un confort. Je gagne peut-être moins d’argent mais mon objectif premier est d’être lu. L’objectif de l’éditeur est que je sois lu.

Il reste à voir si l’éditeur va bien faire son boulot pour la partie la plus ardue de son métier : la diffusion en librairie. Mais nous sommes vraiment en confiance Ludom et moi, j’apprécie la relation.

J’avoue que je serais curieux de travailler avec un autre éditeur pour avoir des points de comparaison. J’ai deux projets qui ne correspondent pas au style de mon éditeur.

J’aimerais notamment publier « Le blog d’un condamné » au format livre, un texte qui avec eu un succès retentissant à l’époque et qui mériterait de connaître le format papier. Je cherche également un éditeur pour un projet de livre racontant le récit entièrement véridique d’un jeune français injustement accusé d’espionnage qui a passé plus d’un an dans les prisons iraniennes (l’histoire est assez dingue, il fera même évader son compagnon de cellule pour finir par l’épouser !).

« C’est un confort. Je gagne peut-être moins d’argent mais mon objectif premier est d’être lu. »

Si je me trompe pas, ton livre n’est pas disponible sur Amazon. C’est volontaire ? Ça va rester comme ça ?

C’est le boulot de l’éditeur. On aimerait tous les deux se passer d’Amazon. Malheureusement, le monde des librairies est sclérosé par les « diffuseurs » qui refusent de faire leur boulot pour les petits éditeurs ou bien le font très mal.

J’en veux pour preuve une anecdote : je suis en contact avec Ingrid Aubry, autrice du livre de science-fiction « Ecce Homo », que j’ai voulu me procurer sans passer par Amazon. Le site d’Ingrid affirme que le livre est disponible dans une grande librairie près de chez moi. Le site de la-dite librairie permet même de commander le livre en ligne.

Comme c’est près de chez moi, je me suis donc rendu dans la librairie : la libraire n’a jamais trouvé le livre en 20 minutes de recherches dans les multiples bases de données. Alors que le livre est disponible sur son propre site !

Au final, Ingrid me l’a envoyé par la poste.

Cela me fait dire qu’il faudra vraisemblablement que Printeurs soit sur Amazon. Ceci dit, il est et restera disponible directement sur le site de l’éditeur.

La version de Printeurs qu’il y a sur ton blog n’est pas tout à fait la même que dans le livre, tu dis que tu as dû faire des modifications profondes de certains personnages, tu as dû écrire deux nouveaux chapitres… ça veut dire que les personnes qui ont lu la version web, peuvent lire la version livre ?

Oui car, de toutes façons, la lecture sur le blog a été trop parcellaire, trop interrompue. J’en veux pour preuve que mon éditeur a directement trouvé de gros problèmes de continuité (par exemple, deux personnages se croisent, se quittent, se recroissent 3 épisodes plus tard. Pour le personnage principal, il s’est écoulé quelques heures mais pour le personnage secondaire, il s’était écoulé un mois). Ce genre de problème ne saute pas aux yeux quand lit le feuilleton semaine après semaine (on trouve encore ce genre d’erreur, en plus subtil, chez les feuilletonistes de la grande époque, Paul Féval, Alexandre Dumas).

Ceci dit, l’histoire n’a pas changé d’un iota. Je pense que les modifications ne sont pas franchement perceptibles. Mais elles rendent le tout beaucoup plus plaisant, plus cohérent.

Le blog de Ploum

Avec le succès de la campagne de financement participative, tu vas écrire le tome 2. Tu vas procéder de la même manière, en écrivant le roman petit à petit sur ton blog ?

Ce ne sera pas sur mon blog car j’ai trouvé que Printeurs 1 surchargeait trop mon blog au détriment des autres articles. Mais je tiens à garder l’esprit feuilleton. Les souscripteurs de la campagne pourront s’abonner à une mailing-liste pour recevoir Printeurs 2 par mail, chapitre par chapitre, au fur et à mesure de l’écriture. Ils pourront même réagir. Ce sera une expérience intéressante.

Si vous avez raté la campagne, n’hésitez pas à commander votre exemplaire et à m’envoyer un mail. Je vous rajouterai subrepticement dans la mailing-liste 😉

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