Kevin fait partie de ces personnes qui ont plein de projets différents :
Il développe un service de bookmark ( un peu comme Pocket ou Wallabag)
Il a travaillé sur un logiciel de compatibilité
Il tient un site qui archive des citations issus de jeux vidéo
Il a construit un site d’information sur Tchernobyl
En plus de ça, ces projets sont souvent open source et respectueux de la vie privée.
Je me suis dit que c’était forcément intéressant de lui poser quelques questions…

Qui es-tu ? Qu’est-ce que tu fais dans la vie de tous les jours ?
Salut, je m’appelle Kevin. Je travaille en tant qu’ingénieur logiciel pour une grande entreprise allemande après avoir été développeur web dans une agence pendant environ 5 ans. J’ai commencé ma carrière dans le développement web en 2008, lorsque j’ai créé mon premier site web avec Drupal.
Pendant mon temps libre, je prends des photos, regarde la télévision, joue à des jeux vidéo et travaille sur des projets de programmation personnels.
Tu peux décrire les différents projets sur lesquelles tu travailles actuellement ?
Le projet principal sur lequel je travaille est LinkAce, qui est un gestionnaire de bookmarks. C’est un projet open source et l’application peut être installée sur presque n’importe quel serveur web PHP. LinkAce aura également un service d’hébergement payant qui est actuellement en construction. Ce sera mon premier vrai produit commercial, donc je dois me plonger dans les paiements, les conditions de service et les taxes, ce qui n’est pas facile du tout.
Ces dernières semaines, j’ai réécrit Game Quotes à partir de zéro. C’est une archive de citations de jeux vidéo. Commencé en 2011, c’est l’un de mes plus anciens projets.
D’autres petites choses sont en préparation, notamment une résurrection de Stumble Upon.

Comment tu fais pour gérer autant de projets en même temps ?
Ce n’est pas si difficile de gérer plusieurs projets à la fois. J’ai une application To Do, que j’utilise pour garder une trace des différentes tâches et idées en cours pour les différents projets. Un bon conseil est de ne pas passer trop souvent d’un projet à l’autre. Reste concentré sur un seul projet à la fois pendant, disons, une semaine, puis passe au suivant si tu veux.
La santé mentale est également cruciale pour pouvoir travailler sur autant de choses en parallèle. Ne travaille sur tes projets que si tu en as vraiment envie et ne te force pas à penser que tout doit être fait tout de suite. La programmation doit être un plaisir, et non un fardeau.
À partir de quel moment tu lances le développement d’une idée ? Tu te lances direct ou tu attends un peu ?
Ça dépend. J’ai eu plusieurs idées qui étaient en fait la solution à un problème que j’avais. C’est comme ça, par exemple, que LinkAce a vu le jour. J’ai commencé à travailler dessus assez rapidement, sans vraiment avoir beaucoup étudié le marché.
D’un autre côté, j’ai eu plusieurs petites idées que je trouvais assez bonnes, mais qui n’ont pas eu de succès, donc je n’ai jamais commencé à les coder. Surtout s’il s’agit d’une idée pour un produit commercial, il vaut mieux jeter un coup d’œil au marché avant de plonger dans le code, avant de découvrir plus tard que le produit n’est pas bon du tout.

J’ai vu que tu es intéressé par le sujet de la vie privée, est-ce qu’il y a des trucs que tu mets en place sur tes projets pour respecter ça ?
Pour moi, le respect de la vie privée signifie soit qu’aucune donnée personnelle n’est collectée, soit que l’utilisateur a un contrôle total et transparent sur les données collectées. Par défaut, je n’ajoute pas d’outils d’analyse invasifs à mes produits et je ne collecte que les données qu’il est absolument nécessaire de stocker. Si tu as besoin de statistiques, je te suggère une solution respectueuse de la vie privée comme Fathom ou Shynet, que j’utilise.
Le respect de la vie privée est également la raison pour laquelle la plupart de mes projets sont open source, et la plupart peuvent être auto-hébergés par les utilisateurs. Cela signifie que tout le monde peut inspecter le code et, s’il n’accepte pas de stocker ses données sur mon serveur, il peut télécharger le code et l’exécuter lui-même.
On entend beaucoup de mainteneurs de logiciel libre ou open source se plaindre du peu de contributions et d’aides qu’ils reçoivent et souvent ils finissent par se fatiguer voir par abandonner, est-ce que c’est quelque chose que tu ressens aussi ?
En fait, j’ai écrit un long billet de blog sur mon travail sur InvoicePlane, un logiciel de comptabilité que j’ai créé et maintenu pendant 4 ans. C’était la première fois que je faisais un « burn out ». Je peux comprendre tous les créateurs qui sont épuisés par leurs projets, et c’est plus courant que la plupart des gens le pensent.
La santé mentale est un gros problème dans l’open source. Après avoir cédé InvoicePlane à d’autres mainteneurs, j’ai pris du recul et j’ai essayé de comprendre ma situation. La seule chose sur laquelle j’avais totalement faux, c’est l’envie d’aider tous les utilisateurs instantanément et d’essayer de tout réparer aussi vite que possible. Si tu travailles toute la journée, puis passe deux heures de plus à traiter les demandes d’assistance, tu t’épuises très vite. Si tu gères un projet, prend ton temps. Ne travaille sur ton projet que si tu en as vraiment envie. C’est la raison du modèle de support payant que j’ai adopté.

« La santé mentale est un gros problème dans l’open source »«
Tu proposes qu’on te soutienne financièrement sur Patreon ou Github Sponsor, pour l’instant ils sont tous les deux un peu vide. Est-ce que c’est parce que tu viens de les lancer ou parce que c’est difficile d’amener les gens à faire des dons ?
Oui, ils sont encore assez vides. J’ai mis en place le parrainage il y a quelques mois pour donner aux utilisateurs la possibilité d’obtenir un soutien payant s’ils utilisent certains de mes projets, ou s’ils veulent simplement me soutenir. Je ne promotionne pas mes projets de manière intensive, car je les construis pour moi, et non pour d’autres utilisateurs. Je suis heureux s’ils utilisent mon logiciel et aiment mon travail.
Mais tu as raison, il est effectivement difficile d’inciter les utilisateurs à faire des dons. Lorsque je dirigeais InvoicePlane, qui comptait des milliers d’utilisateurs à son apogée, pratiquement personne ne faisait de dons. C’est le dogme du logiciel libre : comme les utilisateurs obtiennent le logiciel gratuitement, ils s’attendent à ce que tout le reste soit également gratuit.
Credit photo : « Idea » de brunkfordbraun sous licence CC BY-SA 2.0 (modifié)